15 mars 2025

L’éco-anxiété, entre angoisse et lucidité

Par

Aurélie Chanier et Florence Gault

Écoanxiété

7 mins

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L'éco-anxiété, ce mal désignant les angoisses procurées par le dérèglement climatique et l'effondrement de la biodiversité, se fait de plus en plus grandissante. D’après le rapport 2023 du CESE, 8 Français sur 10 seraient concernés. Il s’agit du niveau le plus élevé jamais mesuré en France. Alors, comment cultiver une résilience émotionnelle ?

©En un battement d'aile

Cela pourrait devenir le mal du siècle. L’éco-anxiété. Né de la contraction  entre les mots "écologie" et "anxiété", ce concept a été inventé et théorisé à partir de 1996 par la chercheuse en santé publique belgo-canadienne, Véronique Lapaige. Elle la définit ainsi : « une détresse mentale et émotionnelle face à la menace du changement climatique ». Ce concept intéresse de plus en plus le milieu médical, mais sa définition ne fait pour le moment l’objet d’aucun consensus. L’éco-anxiété n’est pas considérée comme une pathologie mentale, mais comme un état psychologique, qui peut se manifester entre autres par des troubles alimentaires ou du sommeil, des émotions négatives, des crises d’angoisse, et peut même conduire à la dépression. 

Il est encore difficile de dire ce que représentent les éco-anxieux en France. Le politologue Eddy Fougier fait l’hypothèse que les Français les plus inquiets et les plus pessimistes quant aux questions climatiques sont susceptibles d’être éco-anxieux. Ils pourraient donc représenter entre 17 et 29% de la population française. Le rapport annuel du Conseil économique, social et environnemental (CESE) allait même plus loin, montrant que 8 Français sur 10 s’inquiètent du dérèglement climatique. Il s’agit du niveau le plus élevé jamais mesuré en France. Comment effectivement ne pas se sentir préoccupés, angoissés, par les menaces qui pèsent sur l’environnement et les conséquences déjà visibles, y compris en France, de ce dérèglement climatique ? 

L'éco-anxiété, une réaction saine et normale

Charline Schmerber a été une des premières thérapeutes en France à se spécialiser dans la prise en charge de ces angoisses. En 2017, elle prend conscience de sa propre éco-anxiété. Mais, elle se retrouve démunie face à ses émotions et ne trouve pas d’accompagnement adéquat. Elle se forme et crée en 2020, le RAFUE, le Réseau des professionnels de l’accompagnement Face à l’Urgence Écologique. Pour elle, l’éco-anxiété est un signe de lucidité : « C'est une réaction adaptative, normale et saine que d’être concerné par l’environnement dans lequel on vit ». Bien que cette prise de conscience soit souvent désagréable, « c’est aussi ce qui permet de se mettre en mouvement et d’agir ».

On assiste aujourd’hui à une prise de conscience collective des enjeux climatiques, « du fait de la connaissance qu’on a aujourd’hui, de ce qui risque d’arriver et de ce qui arrive déjà », explique Charline Schmerber. Cette anxiété peut découler d’une anticipation de ce qui peut arriver ou d’une confrontation personnelle aux problématiques climatiques.

Lire aussi | Comment surmonter son éco-anxiété ? Les conseils de Charline Schmerber

Le rôle des médias dans l’éco-anxiété

L’accès à l’information, pour certain.e.s, peut entraîner un  cercle vicieux : plus on s’informe, plus l’éco-anxiété s’intensifie. Elle est même amplifiée par le caractère anxiogène des contenus disponibles. Ainsi, selon le Digital News Report de 2022, de l'Institut Reuters et de l'Université d'Oxford, 36% des Français évitent de s'informer, jugeant notamment l’actualité trop pesante. Les sujets environnementaux sont souvent perçus comme catastrophistes ou culpabilisants.

Manon, 25 ans, fait partie de ces 36 % : « Je voulais éviter le stress que cela générait. Par exemple, les reportages avec des images de pompiers devant des incendies impressionnants, c’est quelque chose qui tout de suite me coupe un peu la respiration et me fait sentir affreusement mal. » Le journal télévisé de 20h est le pire : « avec la télévision, il est plus difficile de se dessaisir de l’information, car on est très passif », confie-t-elle.  Alors, faudrait-il arrêter de s’informer et mettre en place une forme de déni protecteur ? C’est d’ailleurs ce que proposent un certain nombre de thérapeutes face à des patients qui s’enferment dans une spirale d’informations négatives leur permettant de se confirmer en permanence qu’ils ont raison d’être inquiets. Préférant lire des articles, Manon a décidé de s’informer désormais à son propre rythme, via les réseaux sociaux en suivant quelques comptes traitant de l’actualité. 

Certains journalistes tentent de prendre une approche plus équilibrée avec le journalisme de solutions, qui met en avant non seulement les problèmes mais aussi les actions positives existantes. Cette approche vise à offrir une perspective constructive et à éviter une spirale anxiogène.

Passer à l’action

L’éco-anxiété n’est pas une maladie. Il n’y a donc pas de remèdes à trouver. Il n’existe d’ailleurs à ce jour aucun protocole de prise en charge ou de recommandations officielles. Le passage à l’action, notamment collective, paraît un des leviers les plus efficaces face aux éco-émotions. La thérapeute Charline Schmerber a mené une enquête auprès de 1 264 personnes afin de mieux comprendre les mécanismes de l’éco-anxiété. Plus de 83 % des participants ont déclaré ressentir, au-delà de l’anxiété, des sentiments tels que la colère, la tristesse, l'impuissance, la peur, mais aussi l'espoir. Cette diversité émotionnelle, bien qu'au premier abord contradictoire, peut se révéler un puissant moteur d'action. Comme le souligne Charline Schmerber, ces personnes expriment souvent le sentiment « d’être vraiment motivé, être animé par l’espoir ». En effet, la prise de conscience des enjeux environnementaux, couplée à ces émotions fortes, incite de nombreux individus à se mettre en mouvement. Ainsi, l'éco-anxiété, loin de paralyser, peut être un véritable catalyseur d'engagement pour le climat. Il est toutefois important de faire attention à ce que l’engagement ne devienne pas obsessif car il peut conduire à la dépression ou au burn-out du militant. Autre enseignement de cette étude : le besoin de se reconnecter à la nature. 

Retrouver le calme grâce à l’éco-thérapie

Emmanuelle Cheminat est éco-thérapeute en Bourgogne. Elle propose des accompagnements pour ressentir « les bienfaits de la nature sur la santé psychique ». Pour elle, se reconnecter avec la nature est une voie de guérison face à l’éco-anxiété. Elle définit l’éco-thérapie comme une « boucle vertueuse » : plus on ressent le bien-être que procure la nature, plus on souhaite la préserver. Les recherches appuient cette approche, selon Emmanuelle Cheminat : « les travaux d’un professeur japonais ont montré qu’au bout de quelques heures de marche en forêt, il y avait une augmentation de 52 % du nombre de globules blancs dans le sang par rapport à un autre groupe qui allait marcher en ville, » explique-t-elle. « En quinze minutes seulement, la marche en forêt diminue de 16 % le cortisol, l'hormone du stress. » 

Emmanuelle Cheminat ©En un battement d'aile

Emmanuelle Cheminat invite donc à renouer un lien avec la nature. Même en ville. L’essentiel est de trouver un lieu arboré, comme un parc, accessible et proche de chez soi : « l’idée, c’est de ralentir et de s’offrir un moment pour soi ». Ce rythme apaisé, explique-t-elle, permet de calmer les pensées en prêtant attention aux sensations corporelles, comme « la plante des pieds » ou « les sensations de la marche ». Peu à peu, les sens s’ouvrent, incitant à « prêter attention aux odeurs et aux sons environnants », renforçant ainsi le bien-être. 

L’éco-anxiété est donc une réaction donc saine et normale face au dérèglement climatique. Mais, on peut vite se laisser submerger par ces émotions. Il faut apprendre à cohabiter au mieux avec cette éco-anxiété, tout en essayant de la transformer, pour celles et ceux qui le peuvent, en moteur d’action. Pour celles et ceux qui s’interrogeraient sur leur degré d’éco-anxiété, il existe un test qui permet de l’évaluer. Le résultat est accompagné de recommandations quand c’est nécessaire.

Pour en savoir plus, découvrez le reportage du podcast d'En un battement d'aile :

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