16 mars 2025
Ces entreprises qui ont fait le choix de développer leur activité à vélo
Par
Aurélie Chanier et Florence Gault
À Lyon et dans sa métropole, de nombreux artisans, entrepreneurs et livreurs réinventent leur quotidien en adoptant le vélo comme moyen de transport professionnel. Ce choix, motivé par des considérations écologiques et économiques, s'inscrit également comme une réponse aux défis urbains, où la congestion et la pollution nuisent à la qualité de vie. Mais n’est pas sans défis à relever.
©Exclamotion
Le secteur des transports est la première source d'émissions de gaz à effet de serre (GES) en France, avec près de 30 % des émissions totales. Parmi ces trajets, de nombreux déplacements professionnels. Parmi ces trajets, nombreux sont ceux effectués par des professionnels. Si beaucoup de Français ont adopté le vélo pendant la crise du Covid pour leurs trajets domicile-travail, certains entrepreneurs ont choisi d’aller plus loin, abandonnant leur camionnette pour un mode de transport plus écologique.
C’est le cas de Ghislain Varin, plombier en région lyonnaise. « J'ai toujours utilisé le vélo pour me déplacer. J’ai toujours été citadin, donc pour moi, c'est un moyen de transport efficace et amusant », explique-t-il. Sans compter qu’il préfère cela « plutôt que d’être derrière un volant d’un camion qui n’avance pas dans les embouteillages ».
La crise du Covid a été le déclic pour passer au 100 % vélo. « Avant, j’étais à 80 % à vélo avec ma randonneuse. Mais pour les 20 % restants, il fallait un équipement adapté : c’est là que je suis passé au cargo. » Ce changement a été facilité par Les Boîtes à Vélo, une association qui accompagne les professionnels dans cette transition.

Ghislain Varin et son vélo cargo ©Exclamotion
Pour lui, ce n’est pas un argument marketing, mais un engagement. « C'est plutôt un acte militant. J'ai commencé à communiquer sur le vélo plus par militantisme pour transmettre cette expérience à d'autres artisans [...]. Si un plombier est capable de travailler à vélo, ça laisse de la marge pour les autres. »
Créer de nouveaux services
Le vélo ne se limite pas au transport des professionnels et de leur matériel. Il devient une plateforme d’innovation pour proposer des services adaptés aux besoins urbains. Rémi Ingrai, fondateur de LavoVélo, a ainsi développé une station mobile de lavage de vélos fonctionnant avec de l’eau recyclée. « L'objectif est de faciliter le nettoyage du vélo en moins de 3 minutes avec de l'eau recyclée. » Avec seulement 1,5 litre d’eau par vélo et du savon biodégradable, le concept allie praticité et impact environnemental réduit. « Nous avons un bon partenariat avec la ville de Lyon, mais c'est long à mettre en place. Pour développer ce modèle ailleurs, il faudrait simplifier l'accès à l'espace public. »
Pour lui, ces nouveaux services ne sont pas qu’une alternative écologique : ils participent à la transformation des villes et la création d’emplois. « On est en train de créer de nouveaux métiers qui prennent peu de place, qui sont mobiles, et qui recréent de l'activité là où il n’y en avait plus. »
Structurer un secteur en pleine expansion
Derrière ces initiatives, des structures comme Les Boîtes à Vélo jouent un rôle clé dans le développement du vélo professionnel et participent à la transformation des centres-villes en renforçant leur dynamisme. Lucile Jacques, chargée de mission pour Les Boîtes à Vélo Auvergne-Rhône-Alpes, accompagne les professionnels dans leur transition vers le vélo. « L'association représente tout type de professionnels à vélo : services, commerces, vélo-restos, cyclologistique et artisans, comme Ghislain. On a même des charpentiers à vélo. » Et mise sur l’opportunité économique que peut représenter le vélo : « on a des chiffres qui montrent que le vélo fait gagner beaucoup de temps pour un même trajet. Par exemple, 30 minutes en voiture dans les bouchons deviennent 12 minutes à vélo », explique Lucile. À cela s’ajoutent des économies de carburant, des bénéfices pour la santé et une meilleure image des entreprises.

Les adhérents lyonnais des Boites à Vélo ©Exclamotion
Mais des obstacles persistent. « Les freins qui sont souvent remontés, c'est la peur de rouler en pleine circulation », analyse la chargée de mission. Une crainte qui dépend notamment des infrastructures cyclables, mises en place dans la commune. L’association travaille donc avec les collectivités pour améliorer ces aménagements et les adapter aux nouvelles pratiques. La météo inquiète aussi, mais « il n'y a pas de mauvaise météo, il n'y a qu'un mauvais équipement », lance-t-elle avec humour.
Autre enjeu d’importance : l’assurance. Les Boîtes à Vélo mènent des actions de sensibilisation auprès des assureurs pour les inciter à inclure les vélo cargo, en adaptant leurs offres aux besoins des pros à vélo. Au niveau national, un travail est également mené avec le ministère des transports et de la logistique pour faire évoluer les réglementations. Par exemple : permettre aux professionnels de continuer à circuler sur les voies cyclables avec leurs vélos-cargos et remorques, dont les gabarits sont limités pour respecter les autres usagers, tout en leur permettant de transporter des charges importantes.
Un écosystème en plein essor
Inauguré en juin 2022 à Villeurbanne, le projet du Grand Plateau, porté par la métropole de Lyon, a pour objectif de fédérer les acteurs du vélo. Ce tiers-lieu de la fabrication du vélo et des micro-mobilités s'est implanté au Carré de Soie au sein d’un bâtiment métropolitain de 8 000 m² dans le cadre d’une occupation temporaire, qui doit prendre fin le 31 décembre 2027. Il accueille 28 résidents et près de 150 emplois. Un tiers-lieu qui n’aurait jamais existé il y a vingt ans selon Anne-Gaëlle Clot, directrice du Grand Plateau : « clairement, le tiers-lieu et toute la dynamique qu'il y a autour de la coopération au niveau de la filière se fait aussi parce que c'est une filière en essor ».
Contrairement aux industries établies où la concurrence domine, le vélo repose encore sur l’entraide. « Là où il y a des fragilités, il y a de la coopération. Sinon, il y a de la performance et de la compétition », explique-t-elle. Toutefois, la question se pose : cette solidarité perdurera-t-elle quand le secteur sera plus structuré ? « Peut-être que dans 10 ans, 20 ans, on perdra un peu de cette coopération. Mais je reste confiante dans ces entrepreneurs du changement qui ont envie de faire différemment », ajoute Anne-Gaëlle.
Le vélo professionnel ne se limite pas à un choix écologique, il répond aussi à une demande croissante dans les villes. Selon Anne-Gaëlle Clot, « les entreprises ont, à mon sens, un bel avenir devant elles, surtout si l’on prend en compte les impacts sociaux, environnementaux, de santé, et les économies réalisées sur la santé. »