26 févr. 2025
Un observatoire des médias pour analyser le traitement de l’écologie
Par
Florence Gault
Un consortium composé d’associations, d’entreprises et d’acteurs institutionnels a lancé, le 7 novembre 2024, un observatoire des médias sur l’écologie. Son objectif : mesurer l’évolution de la part des contenus environnementaux dans les programmes d’information d’une vingtaine de médias audiovisuels.
« Les médias traditionnels encadrent et transmettent les informations sur le changement climatique. Ils ont un rôle crucial dans la perception qu’en a le public, sa compréhension et sa volonté d’agir. » Dans le 6ème rapport du GIEC, publié en février 2022, les scientifiques interpellent les journalistes, les appelant, notamment, à lutter contre la désinformation sur ces sujets. C’est dans ce contexte qu’est née l’idée un observatoire des médias de l’écologie, lancé officiellement, le 7 novembre 2024, au Théâtre de la Concorde, à Paris.
Cet observatoire a pour objectif de mesurer l’évolution de la part des contenus environnementaux dans les programmes d’information des médias audiovisuels. Onze chaînes de télévision et huit radios françaises ont ainsi été retenues, du fait des ressources limitées du consortium. Les chaînes historiques et anciennes TNT (TF1, France 2, France 3, M6, Arte et C8), ainsi que les chaînes d’information en continu (CNews, BFM-TV, LCI, Franceinfo, France 24), vont être analysées au quotidien. Du côté des radios, ont été retenues les radios privées de catégorie E (radios généralistes à vocations nationale) et les stations de radio généralistes du service public (France Inter, Franceinfo, France Culture et RFI). Pour Eva Morel, cofondatrice de QuotaClimat, une association qui, depuis 2022, interpelle sur la faible place de la crise écologique dans l'agenda médiatique, il y avait un manque de « données unifiées, robustes et fiables qui puissent servir de référence ».
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QuotaClimat s’associe donc à d’autres associations - Expertises Climat, Pour plus de climat dans les médias et Data for Good - qui, comme elle, proposait chacune de leurs côtés, des analyses du traitement médiatique des enjeux environnementaux. Deux entreprises de données, Eleven Strategy et Mediatree, rejoignent l’aventure pour l’aspect technique. Le consortium remporte un appel à projet de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) qui visait à produire des projets en open source pour la transition écologique. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) devient le deuxième cofinanceur du projet.
Une couverture médiatique de l’écologie trop faible
Les données de l’Observatoire remontent au printemps 2023 et sont mises à jour quotidiennement. Les programmes d’information sont retranscris, puis analysés grâce à un algorithme qui s’appuie sur un dictionnaire de mots-clés. « Il faut reconnaître certaines limites et certains biais », explique Jean Sauvignon de QuotaClimat, qui a travaillé sur la méthodologie. « Les retranscriptions sont imparfaites. Nous avons limité le périmètre aux programmes d’information. L’affichage et la mise à disposition des résultats est sujet à un biais inhérent à tout outil contenant des graphiques. » Mais, le consortium souhaitait une méthodologie relativement simple, afin d’être transparente.
Un premier bilan montre une couverture médiatique encore très faible des enjeux écologiques. Ils représentent une moyenne de 3,7 % de temps d’antenne en 2024. « Un chiffre en diminution de 30 % depuis 2023 », analyse Célia Gautier, fondatrice d’Expertises Climat. « La crise de la biodiversité et l’érosion des ressources naturelles sont des sujets très peu abordés, 2 à 4 fois moins traitées que le climat », poursuit-elle. L’Observatoire des médias sur l’écologie parvient également à décrire la manière dont sont traités les sujets. Ainsi, on découvre que certains secteurs d'activités sont moins traités que d’autres. C’est le cas, par exemple, du secteur des bâtiments si on se réfère à sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre françaises (16% en 2022, alors qu’il ne représente que 1% des mentions des causes du changement climatique dans les médias).
L’analyse des premières données permet également de montrer que les événements climatiques extrêmes peuvent créer des pics de couverture. Mais, les solutions restent largement absentes de l'agenda médiatique, avec le risque de créer un sentiment de “fatigue informationnelle”, une démobilisation ou une réaction de déni chez le public. D’où l’importance de s’intéresser à la méthodologie du journalisme de solutions, comme nous le faisons notamment dans le podcast d'En un battement d’aile.
Autre enseignement : en moyenne, les médias généralistes parlent plus d’environnement que les médias d’information en continu. Et la radio en parle plus que la télévision, tandis que les médias publics en parlent plus que les médias privés.
L'Observatoire ambitionne d'étendre son champ d'analyse en 2025 à la presse écrite. À noter également qu’une proposition de loi visant à améliorer le traitement médiatique des enjeux écologiques, rédigée par l’association QuotaClimat et l’Institut Rousseau, un laboratoires d’idées classé à gauche, a été déposée le 13 novembre 2024.