16 mars 2025

L'école à l'heure de la transition écologique et sociale

Par

Aurélie Chanier et Flornce Gault

Société

8 mins

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Face à l'urgence climatique, l'école se réinvente pour sensibiliser les jeunes aux enjeux écologiques et sociaux. À Lyon, des initiatives telles que le programme EPIC de l’association Imaginéo ou les actions du Réseau Marguerite transforment les élèves en acteurs du changement.

Les Maraudeurs Dargent aux fourneaux ©Imagineo

Dans le 3ème arrondissement de Lyon, le collège Dargent participe depuis six ans au programme EPIC (Ensemble pour impulser le changement) de l'association Imaginéo, un laboratoire d'innovation pédagogique qui développe le pouvoir d'agir des enfants et adolescents. Imagineo accompagne des équipes pédagogiques de collèges à concevoir et mettre en place des projets d'engagement citoyen auprès de leurs élèves. C’est ainsi que les trente élèves de 4ème2 vont s’intéresser, au cours de leur année scolaire, au thème de "l’énergie et du climat". 

L'objectif de cette première séance est de poser les bases. « Avant, l’hiver n’était pas aussi froid », observe un élève. « Et en été, il y a beaucoup plus de canicules. C’est un peu plus dur de vivre. » C’est à partir de leurs observations que l’équipe d’Imaginéo fait réfléchir les élèves à la manière dont les activités humaines influencent le climat, pour les inciter, dans un second temps, à agir. 

Le programme EPIC a été initié en 2022 par Véronique Rizzi, la fondatrice d’Imaginéo. Cette chercheuse en psychologie souhaitait redonner du pouvoir d’agir aux jeunes : « c'est à travers l’action que chacun va pouvoir expérimenter le fait de contribuer à faire changer des choses ». Car en une dizaine de séances, ils doivent trouver des solutions aux problèmes soulevés, en mettant en place des initiatives à l’échelle de leur collège. 

Un des groupes s’intéresse aux questions de mobilité. Les élèves comprennent rapidement que pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il faut réduire l’utilisation de la voiture ou développer les pistes cyclables pour inciter les  citoyens à prendre le vélo. Mais, à la fin de cette première séance, ils ont encore un peu de mal à voir comment ils peuvent changer les choses à leur échelle. 

Rodolphe Gueldry, professeur d'anglais au collège Dargent, participe au programme EPIC depuis six ans. Au fil des ans, il constate que de tels ateliers sensibilisent l’ensemble de la classe et pas seulement les élèves ayant le plus d’affinités avec le sujet. « C'est quand même l'endroit de l'adolescence où ils peuvent être très matures une minute, et complètement immatures la minute suivante », analyse Rodolphe. « Il y a une grande disparité selon les classes. Mais, on arrive à embarquer 75% d’une classe tout au long du projet. Et au moment de la réalisation concrète du projet, on arrive à 95% de la classe, qui est très fière de ce qui a été accompli. » 

Passer à l’action aide à lutter contre l’anxiété

Côté enseignants, cela demande de l’engagement, du temps qui ne sera pas rémunéré. Mais Rodolphe Gueldry estime que cet engagement apporte un nouveau souffle à sa carrière : « Les années ont un autre goût, et les souvenir qu’on a avec les élèves ont une autre qualité. » Pour le professeur d’anglais, ces moments de coopération permettent de révéler des talents individuels et de favoriser l'épanouissement collectif. Ils les préparent à acquérir des compétences essentielles pour leur avenir. Des compétences « qui ne sont pas forcément tout le temps capté par les cours plus classiques. »

Pari réussi pour Véronique Rizzi. La fondatrice d’Imagineo voit les élèves  devenir acteurs au fur et à mesure que le projet avance : « ils n'ont pas trop l'habitude de se questionner sur ce qu'ils pensent vraiment et de réfléchir à ce qu'on peut faire. C'est en ça que changer les méthodes, travailler de manière transverse, peut entraîner de grands changements. » Un constat par Rodolphe Gueldry, qui s’est découvert aussi moins éco-anxieux depuis sa participation au programme EPIC : « pas mal d'enfants subissent des anxiétés. C’est pareil pour moi ». Et d’ajouter : « Ces questions [écologiques] peuvent  me plomber le moral et je peux me dire que y a rien à faire. Et finalement on va découvrir tout ce qu'il y a à faire. Et je crois que du coup ça libère aussi les gosses d’entendre tout ça. » 

6 mars 2024. Cela fait maintenant plus de trois mois que les élèves de 4ème2 planchent sur leur projet. Par groupe de sept, ils ont imaginé les initiatives qu’ils veulent mettre en place. Leur idée va donc devenir réalité. Et pour cela, ils ont rendez-vous avec des associations qui vont les aider à passer à l’action. Les "Maraudeurs Dargent" ont décidé de récolter les surplus alimentaires auprès de commerçants locaux pour les redistribuer aux personnes dans le besoin. C’est Henri de l’association BelleBouffe, qui milite pour une alimentation juste, écologique, et solidaire. Et il est impressionné par l’engagement des jeunes : « c’est une très belle initiative, surtout pour des jeunes de treize ans ! » 

Quand Henri commence à établir le rétro planning et à répartir les tâches auprès des élèves, l’une d’entre elles s’exclame : « Mais on va vraiment le faire ?! » Henri confirme. « Je ne pensais pas que ça allait vraiment se réaliser ! » L’enthousiasme monte d’un cran. L’expérience devient bien plus qu'un simple projet scolaire : « cela nous responsabilise et nous éveille sur le monde, » conclut un autre élève, fier de leur projet, et presque ému.

« On est passé de 5 % à 25 % de bio dans le collège. »

Si Imagineo développe le pouvoir d’agir des élèves, le réseau Marguerite, lui, développe le pouvoir d’agir des enseignants. Même si évidemment l’un ne va pas sans l’autre. Depuis 2018, l’association accompagne les professeurs en collège et lycée afin qu’ils puissent mener des actions de sensibilisation à la transition de notre système alimentaire. Depuis sa création, le réseau a aidé à développer une trentaine de projets dans divers établissements, créant ainsi des dynamiques collectives. 

Au collège Paul Eluard, à Vénissieux, sept élèves, accompagnés de leur enseignant de SVT, Valentin Martin, ont lancé il y a deux ans  une AMAP (Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne). Un projet accompagné par Clémence  Valfort du réseau Marguerite : « on veut développer la créativité pédagogique des enseignants et leur donner un cadre de confiance dans lequel ils puissent expérimenter des dispositifs, des outils, des démarches ou aborder certains sujets. »

Ce matin-là, épaulée par Bénédicte du réseau des AMAP, elle retrouve les jeunes pour un dernier atelier sur la justice alimentaire. Il s’agit d’un moment crucial pour les élèves qui s’apprêtent à partir au lycée. Ils doivent désormais passer la main et transmettre leur projet à la nouvelle génération. « C'est quoi pour vous la meilleure alimentation possible ?" lance Clémence pour ouvrir la discussion. Les élèves, attentifs, réfléchissent à la question.  « C'est avoir une alimentation saine, équilibrée, et qui nous permet de manger à notre faim, » dit une élève. Mais, la discussion révèle rapidement que bien se nourrir n'est pas seulement une question de choix personnel. « Déjà, il faut avoir un budget », souligne un jeune garçon. Clémence leur explique alors la notion d’injustice alimentaire : en fonction de l’endroit où l’on vit, de ses moyens, il n’est pas forcément possible d’avoir accès à des produits sains et de qualité.

Les échanges se poursuivent. C’est l’occasion aussi de dresser le bilan de ces deux dernières années. Une élève est fière de raconter comment, il y a  deux ans, ils ont oeuvré pour introduire plus de produits biologiques à la cantine : « on est passés de 5 % à 25 % de bio dans le collège ! Et ça nous a tellement plu qu’on a voulu continuer. » Au point de pousser leur enseignant à poursuivre le projet alors qu’il hésitait à arrêter. «  Ils ont vraiment insisté », se souvient Valentin Martin, en riant. Difficile de dire non. « On a des élèves qui sont vraiment talentueux et qui ont envie. Avec par contre des situations sociales qui sont pas forcément faciles. » Il ne suffisait pas de simplement lancer une AMAP pour changer les choses. « Certains élèves m’ont expliqué que [leurs] parents ne veulent pas s’engager, car il faut payer 250€ sur toute l’année », témoigne Valentin. L’école était prête à échelonner les paiements, mais, un certain nombre de familles ne souhaitait pas s’engager sur du long terme. Le nombre d’adhérents à l’AMAP au sein du collège est donc un peu en-dessous de ce qui était espéré. 

Le professeur de SVT ne regrette absolument pas son engagement, car il a vu ses élèves grandir et mieux comprendre les enjeux de transition alimentaire. Il reste toutefois des difficultés liées au cadre de l’Education nationale. Comme pour le collège Dargent, Clémence Valfort souligne qu’il n’est pas évident de travailler en interdisciplinarité : « c’est compliqué d'avoir des heures allouées aux temps de projets entre enseignants ou juste du temps dédié à la formation des enseignants. »

Dans un contexte de crise écologique et sociale, l’école cherche donc à se réinventer. Avec parfois des difficultés à mettre en place une approche interdisciplinaire et transversale. D’où l’intérêt de ces démarches comme celles d’Imagineo ou du réseau Marguerite. La question de la reconnexion à la nature mériterait aussi une plus grande attention au sein de l’école. Dans les établissements scolaires, les cours de récréation sont en bitume, les espaces verts réduits. Une approche sensible permettrait aussi de favoriser une meilleure compréhension de l’écologie.

Pour en savoir plus, découvrez le reportage du podcast d'En un battement d'aile :

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