28 févr. 2025

Quelle agriculture pour demain ?

Par

Baptiste Boucher et Florence Gault

Agriculture

5 mins

Agriculture

5 mins

Agriculture

5 mins

Entre un modèle intensif dépendant des intrants chimiques et une production en circuit court, souvent perçue comme coûteuse et difficile à généraliser, l’agriculture de demain semble tiraillée entre deux extrêmes. Pourtant, d’autres alternatives émergent : des pratiques plus durables, conciliant productivité et respect de l’environnement, repensent notre façon de cultiver et de consommer. En un battement d’aile a organisé, le 14 juin 2024, une table ronde en public lors du marché estival de la fromagerie Altermonts, à Saint-Denis-sur-Coise, dans la Loire, pour explorer ces questions.

©Manon/Altermonts

L’agriculture française est à un tournant. Entre crise climatique, impératifs économiques et exigences sociétales, le modèle actuel semble de plus en plus inadapté aux défis contemporains. D’un côté, l’agriculture conventionnelle est pointée du doigt pour son impact environnemental, notamment en raison de l’utilisation massive de pesticides et de l’épuisement des sols. De l’autre, l’agriculture biologique peine à se généraliser, freinée par des coûts de production élevés et une dépendance aux subventions publiques.

L’agriculture est aujourd’hui responsable de 22 % des émissions de gaz à effet de serre en France et de 34 % au niveau mondial. Il s’agit du deuxième secteur le plus émetteur après les transports (18 % des émissions de GES). Dans ce contexte, trois défis majeurs se posent : réduire les émissions, accroître le stockage du carbone dans les sols et s’adapter à un climat en mutation. Selon les prévisions de l’ONU, le réchauffement climatique pourrait aller jusqu’à 2,9°C d’ici 2100, si on suit la même trajectoire. 

Des réalités contrastées à l’échelle mondiale

Les enjeux agricoles varient fortement d’un continent à l’autre. En Occident, une partie des agriculteurs cherche à s’éloigner d’un modèle trop industrialisé pour revenir à des pratiques plus durables. Dans les pays tropicaux, la situation est bien différente.

« À Madagascar, ils sont obligés de brûler des forêts pour faire pousser du riz et se nourrir », souligne Cédric Rabany, agronome spécialisé dans le développement de filières agricoles à l’international.

En Côte d’Ivoire, où l’agriculture représente plus de 25 % du PIB et emploie plus de 50 % de la population active, l’enjeu est double : garantir la sécurité alimentaire tout en préservant les ressources naturelles.  Le pays est un acteur clé dans des filières comme le cacao, l’hévéa et la production animale. « Il faut répondre aux défis environnementaux tout en soutenant la croissance économique du pays », rappelle l’auteur de Les Agronautes (Nouri Turfu, 2020). 

Une coexistence difficile entre agriculture conventionnelle et biologique

Le face-à-face entre agriculture conventionnelle et agriculture biologique ne se limite pas aux débats sur les rendements ou la rentabilité. Il pose aussi la question de l’impact des pratiques agricoles sur les écosystèmes.

« Il y a comme de la prédation, explique Jérôme Barange, éleveur à la ferme des Deux Hélices. Les agriculteurs bio aimeraient trouver des prédateurs naturels pour les insectes dans leurs champs, mais tous ces prédateurs se font tuer par les pesticides. » 

Malgré ces difficultés, l’agriculture biologique offre des perspectives d’amélioration intéressantes. « Quand on a des problèmes avec les récoltes, on peut rajouter de l’engrais, alors qu’en conventionnel, on ne peut pas rajouter de l’engrais sur de l’engrais », observe le cofondateur de la fromagerie Altermonts.

Vers un modèle 100 % biologique en France ?

Une agriculture 100 % biologique serait-elle possible en France ? Pour Jérôme Barange, il s’agit avant tout d’une question d’adaptation aux ressources disponibles. « Pourquoi ça ne serait pas possible ? Je me suis adapté à ce que mon sol peut fournir », affirme-t-il.

Les circuits courts sont souvent mis en avant pour accompagner cette transition, mais ils ne sont pas l’unique solution. D’autres alternatives existent, notamment les circuits intermédiaires, qui permettent aux agriculteurs bio de vendre leurs produits sans dépendre exclusivement des marchés locaux ni des grandes chaînes de distribution.

Coopératives, grossistes spécialisés, restaurateurs ou encore cantines engagées dans une alimentation durable constituent autant de débouchés. C’est d’ailleurs dans cette optique que sont nés la fromagerie Altermonts ou Bio A Pro, une coopérative locale de producteurs et productrices bio du Rhône et de la Loire qui livre les professionnels de la restauration. 

À lire aussi | La fromagerie Altermonts, une coopérative paysanne pour une agriculture bio résiliente

Ces circuits intermédiaires offrent plusieurs avantages : une plus grande stabilité des ventes, une meilleure visibilité pour les producteurs et un accès à un marché plus large sans compromettre la qualité des produits. Contrairement aux circuits courts, qui impliquent une vente directe aux consommateurs, ces réseaux permettent aux agriculteurs de déléguer une partie de la logistique et de la commercialisation tout en restant dans une démarche responsable.

Un changement progressif mais inévitable

Au-delà des pratiques agricoles, la transition vers un modèle plus durable nécessite une évolution des modes de consommation. Chaque année, la date du jour du dépassement recule, signe d’une surconsommation des ressources naturelles. « Si on continue à consommer comme aujourd’hui, on restera dépendant de la chimie et du climat », avertit Jérôme Barange.

Plutôt qu’un basculement radical, il plaide pour une transition progressive mais ambitieuse. « Déjà, arrivons à 50 %. Il faut se donner des objectifs », insiste-t-il.

L’agriculture de demain ne se résume pas à un choix entre circuits courts et production de masse, ni entre bio et conventionnel. La clé pourrait résider dans un modèle hybride, mêlant innovations technologiques et savoir-faire traditionnels, afin de concilier performance économique, respect de l’environnement et adaptation aux défis climatiques. Plus qu’une nécessité, une transformation en profondeur du secteur agricole semble aujourd’hui inévitable.

Revivez la conférence, enregistrée en public, le 14 juin 2024 à Altermonts :

Restez informé.e.s !

Un média qui décrypte les enjeux
de transition écologique et sociale

Copyright © 2025 En un battement d’aile - Made with fun

Restez informé.e.s !

Un média qui décrypte les enjeux
de transition écologique et sociale

Copyright © 2025 En un battement d’aile - Made with fun

Restez informé.e.s !

Un média qui décrypte les enjeux
de transition écologique et sociale

Copyright © 2025 En un battement d’aile - Made with fun