21 févr. 2025
Écologie : que peut-on attendre des médias ?
Par
Aude Ristat et Florence Gault
“Les médias traditionnels encadrent et transmettent les informations sur le changement climatique. Ils ont un rôle crucial à jouer dans la perception qu'en a le public, sa compréhension et sa volonté d’agir”. Le 6ème rapport du GIEC affirme clairement le rôle des médias et des journalistes dans la prise en compte du réchauffement climatique et le passage à l’action pour le limiter. Malgré une évolution sensible de la qualité du traitement médiatique depuis 2003, le chemin à parcourir reste conséquent pour être à la hauteur des enjeux.
©Julia Tison
Les scientifiques du 6ème rapport du GIEC de 2023 sont unanimes. Il y a urgence à agir pour enrayer les impacts négatifs du dérèglement climatique : incendies, canicules, montée des eaux, disparition d’espèces… Particulièrement pour les populations les plus vulnérables. Cette mobilisation implique de repenser notre rapport au monde et d’engager des transformations profondes de nos sociétés. En cela, les journalistes ont un rôle stratégique à jouer : faciliter la compréhension, non seulement du problème, mais aussi des solutions pour permettre à chacun d’agir.
Les médias sont longtemps passés à côté de l’information climatique. En août 2021, l’arrivée de Lionel Messi au PSG a par exemple généré 5 fois plus d’articles que le deuxième volet du rapport du GIEC. « (...) On a encore toute une série d'articles qui font complètement l'impasse sur le changement climatique et qui continuent à traiter le dérèglement climatique comme une problématique à part », explique François Gemenne, chercheur et co-auteur du sixième rapport du GIEC. Nombre de titres de presse diffusent également des informations teintées de catastrophisme sans mettre en avant les causes (dont le réchauffement climatique) et donc les moyens d’agir.
Les citoyens sont pourtant en attente d’autre chose. L’étude « Information et engagement climatique » de Laurent Cordonier, sociologue, directeur de la recherche à la Fondation Descartes -consacrée aux questions d'information et de désinformation- le prouve. Il témoigne : « je pensais qu'il y avait un espèce de phénomène de saturation informationnelle sur le dérèglement climatique mais ce n'est pas le cas. La première critique porte sur le fait que les informations données ne sont pas assez orientées vers les solutions. »
Journalisme de solutions : une réponse à l’éco-anxiété
L’été 2022 durant lequel s’est déroulée l’enquête de Laurent Cordonier marque un changement. La violence des sécheresses, canicules, incendies ne permettait plus aux citoyens et aux médias de regarder ailleurs. En septembre de cette même année est ainsi née la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique traduisant un changement de posture des médias et les engageant sur un chemin déjà emprunté par quelques rares médias comme le journal Le Monde doté dès septembre 2008 d’un service Planète, ou encore le Solutions Journalism Network (SJN), une organisation fondée en 2013 par des journalistes du New York Times.

La particularité du SJN est de valoriser un journalisme de solutions que défend Sophie Roland, journaliste d'investigation pendant près de 20 ans pour France Télévisions et formatrice. Une fois le problème identifié il s’agit de trouver des réponses sérieuses et éprouvées. « Nous ne sommes pas là pour faire du feelgood,. On interroge, qu'est-ce qui fait que cette solution fonctionne ? Qu'est-ce que j'ai comme preuve ? Pour répondre, nous appliquons notre méthode et notre rigueur journalistique », précise Sophie Roland.
Le journalisme de solutions, c'est le fait de rapporter, de manière rigoureuse et factuelle, les réponses aux problèmes sociaux.
Vers un journalisme d’engagement démocratique pour l’écologie
Au-delà de la pure approche écologique, l’enjeu est démocratique. Aujourd’hui, 36 % des Français ont arrêté de s'informer parce que l'actualité est trop anxiogène selon une étude du Digital News Report du Reuters Institute en 2023. Comment envisager le futur d’une démocratie dans ces conditions ? C’est, entre autres, ce constat qui a poussé Eva Morel et Anne-Lise Vernières, cofondatrices de l’association Quota Climat et collaboratrices parlementaires, à œuvrer pour la mise en place d’un groupe de travail parlementaire en juillet 2023. Bilan : un texte de loi qui propose aux rédactions d’intégrer les enjeux environnementaux dans leurs chartes déontologiques ou encore de renforcer les moyens de lutte contre la diffusion de fausses informations sur l’écologie.
Si entre 2010 et 2020, le nombre d’articles consacrés au climat ou à l’environnement dans la presse quotidienne nationale a été multiplié par 7, il reste encore du travail.