10 avr. 2025

Réinventer le voyage

Par

Aurélie Chanier et Florence Gault

Société

7 mins

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Le tourisme moderne, autrefois synonyme de découverte, d’exploration, est aujourd’hui responsable de 8 % des émissions mondiales de CO₂. Il n’est pas sans conséquences sur le vivant. Il est même la source de nombreuses pollutions de l’eau, des sols et de l’air. Face à ce constat, il devient nécessaire de réinventer le voyage en quête de sens et de respect de l’environnement.

©On The Green Road

« Le monde est un livre, et ceux qui ne voyagent pas n’en ont lu qu’une page. » Cette phrase de Gustave Flaubert illustre bien la manière dont on perçoit le voyage aujourd’hui. Plus que jamais, voyager devient une nécessité pour assouvir notre soif de découvertes et de rencontres. Et peut-être même une injonction, consciente ou inconsciente d’ailleurs. Pourtant, face aux défis environnementaux actuels, ce besoin d’exploration a un coût considérable. Le tourisme est responsable de 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et 95 % des visiteurs se concentrent sur seulement 5 % du globe, mettant ainsi en péril des écosystèmes fragiles.

Changer de regard sur le voyage

Changer de regard sur le monde, c’est ce que propose Pierre Bagliotto, géographe, urbaniste et cartographe, spécialiste des questions de transports et mobilités. En 2019, lors d’un voyage à Rome, il remet radicalement en question sa façon de voyager. « J’étais happé par le monde, sans vraiment profiter. Dans le musée du Vatican, par exemple, on se faisait emporter par la foule », confie-t-il. Au cœur de la foule, entre les monuments saturés de touristes, il se rend compte qu’il n’est plus en phase avec cette manière de découvrir le monde. « Ce qui m’anime, c’est d’aller dans des lieux où des gens vivent, et pas seulement dans des lieux touristiques », explique Pierre Bagliotto. Il cherche désormais à explorer autrement, à ralentir et à se laisser surprendre par l’ordinaire. Voyager ne se résume pas à partir loin, mais à s’immerger dans l’authenticité des lieux et des rencontres, loin des circuits balisés et des offres all-inclusive qui promettent une découverte superficielle des cultures locales.

En 2022, poussé par cette prise de conscience, Pierre Bagliotto fonde Les Vélographes, une association qui allie géographie et exploration à vélo. L’objectif ? Offrir à tous une nouvelle façon d’explorer son quotidien, de comprendre son environnement, et de redonner du sens au voyage en redécouvrant ce qui nous entoure. « Quand le vélo rencontre la géographie, cela devient une éducation au paysage », précise-t-il. L’idée est de poser un autre regard sur nos pratiques et notre impact sur l’environnement.

Voyage en famille ©Pierre Bagliotto

Avec Les Vélographes, le géographe invite les participants à ouvrir les yeux sur le quotidien, à questionner l’aménagement de nos villes, la gestion des ressources et à tisser un lien avec le territoire. Une forme d’émerveillement que lui inspire régulièrement son fils : « un enfant ouvre les yeux. Il n’a pas encore d’images ou de récits lui disant que c’est beau ou c’est moche. Il se contente de s’interroger. » Pierre Bagliotto propose donc un voyage plus lent, plus local et surtout plus humain, loin des clichés et des injonctions touristiques. Une invitation à redéfinir ce que signifie voyager, et à trouver l’extraordinaire dans l’ordinaire.

Voyager en vélo solaire

Jacob Kharu est pour le moins un personnage atypique, qui est du genre à vouloir vivre des expériences. A 24 ans, il interrompt ses études pour aller vivre 7 mois sur le plateau de Beille, en Ariège, à 1700 mètres d'altitude, dans un refuge où il vit en autosuffisance. 4 ans plus tard, il termine son doctorat sur les changements climatiques. Alors qu’il aurait pu tout de suite rentrer dans la vie active, il se lance dans un nouveau projet. Il construit un vélo solaire autonome et part, en 2023, faire un tour d’Europe pendant cinq mois. Il parcourt ainsi plus de 12 000 kilomètres, de Brest à Istanbul, cherchant à démontrer qu’il est possible d’explorer le monde de façon plus respectueuse de l’environnement. « Aller en Grèce en avion pour un week-end n’est plus cohérent avec les enjeux écologiques actuels », confie-t-il, évoquant aussi la nécessité de repenser le voyage sur un rythme plus lent. « Je suis passé dans des endroits où je ne serais jamais allé si je n’étais pas venu à vélo. »

Et l’impact de son voyage est extrêmement bas, comme il le raconte : « je sais que j’ai consommé l’équivalent de douze litres de pétrole avec mon vélo, comparé à une voiture. » Seul point noir : la batterie de son vélo, technologie polluante, mais qui a été récupérée en déchetterie. Un voyage qui a même suscité quelques vocations. Jacob Kharu passe la nuit dans le jardin d’une famille, à qui il partage les raisons qui le pousse dans cette aventure. Six mois plus tard, il reçoit un message du père de famille, qui est parti en voyage à vélo quelques jours. « Et ils ont adoré ! », raconte Jacob. Preuve qu’il faut parfois oser se lancer… 

De nouveaux imaginaires

Que ce soit au bout du monde ou près de chez soi, le voyage transforme. Il ouvre des horizons, crée des rencontres et dévoile de nouvelles réalités. Cette vision est au cœur de l’association lyonnaise On The Green Road, qui sensibilise à la transition écologique et solidaire via le voyage et la diffusion de médias citoyens. Elle a été fondée par Siméon Baldit de Barral, ingénieur civil de formation, qui a lui-même vécu une aventure hors du commun  : un tour du monde à vélo. En 2012, il parcourt avec son cousin plus de 18 000 kilomètres et traversent 26 pays. À son retour, il réalise un documentaire intitulé On The Green Road.

Tour du monde à vélo de Siméon Baldit de Barral ©On The Green Road

Une expérience transformatrice qui le fait réfléchir sur sa vision du voyage. « On a grandi avec des histoires initiatiques de héros qui partent à l’autre bout du monde et reviennent enrichis. Cela a été récupéré par les compagnies aériennes et les tour-opérateurs, qui nous vendent un rêve marketé, déformé par le prisme commercial », explique-t-il. Dans nos imaginaires, surtout à l’heure des réseaux sociaux, le voyage reste souvent associé à l’exotisme lointain : plages de sable blanc, palmiers et cartes postales idéalisées. Pourtant, comme le souligne Siméon Baldit de Barral, « on peut vivre des aventures incroyables avec un petit budget ». Surtout que le décalage entre rêve et réalité peut susciter des déconvenues :  « On s’imagine sur une plage idyllique, et on se retrouve dans un endroit bondé, peut-être même pollué », analyse le fondateur d’On The Green Road. Il propose donc d’adapter nos habitudes : moins d’avions, plus de trajets en train, en bus, ou même à vélo. Une invitation à redécouvrir les territoires proches, à explorer autrement, à ralentir, et à savourer chaque instant de l’aventure, et finalement écrire son propre récit. 

La carte VIP (Voyage à Impact Positif) créée par On The Green Road

Face aux enjeux écologiques actuels, il devient essentiel de repenser notre rapport au voyage, que ce soit dans le choix de la destination, des transports ou des activités. Le voyage doit s’inscrire dans une logique plus durable et respectueuse de la planète. Il y a également un enjeu de justice sociale : 80 % de la population mondiale n’a jamais pris l’avion, et près de la moitié des Français ne partent pas en vacances. Réinventer notre manière de voyager, c’est aussi offrir à tous l’opportunité de vivre ces expériences, en rendant le voyage plus accessible et inclusif.

Pour en savoir plus, découvrez le reportage du podcast d'En un battement d'aile

Le Festival du Voyage Engagé : cap sur l’inspiration !

Chaque printemps à Lyon, l’association On The Green Road donne rendez-vous aux curieux·ses, rêveur·euses et voyageur·euses engagé·es pour un week-end de rencontres, de partages et de réflexion. Le Festival du Voyage Engagé, c’est l’occasion de découvrir des projets de voyages écoresponsables et repenser notre rapport au voyage.

Au croisement du récit de voyage et de l’engagement citoyen, ce festival invite à prendre du recul, à s’inspirer d’initiatives concrètes et à imaginer, ici comme ailleurs, des chemins de transition possibles. Une belle opportunité de faire le plein d’idées, de motivation… et peut-être de repartir avec un projet en tête !

Cette année, le festival se tient les 11, 12 et 13 avril 2025, à la Maison de l’Environnement, 14 avenue Tony Garnier, 69007 Lyon.

Le programme à découvrir ici : http://onthegreenroad.com/festival-du-voyage-engage/

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