18 avr. 2025
ECLAM Tour du Rhône : des élus en quête de solutions pour leurs territoires
Par
Baptiste Boucher
Des maires venus des quatre coins de la France se sont retrouvés le 1er avril 2025, à Belleville-en-Beaujolais, pour l’ECLAM Tour du Rhône. Une journée, organisée par l'ADEME et la DREAL, pour découvrir, sur le terrain et en présence d’élus locaux engagés, des projets de transition écologique réussis. Illustration.
©En un battement d'aile
L’ECLAM (énergie, climat, logement, air, mobilités) Tour du Rhône se déroulait dans le cadre de la Quinzaine du réseau "Élus pour agir", qui compte 3 500 élus locaux en France, dont plus de 420 membres en Auvergne-Rhône-Alpes. Un événement destiné à accompagner les élus locaux dans leurs démarches de transition écologique. Une vingtaine d’élus, venus principalement d’Auvergne-Rhône-Alpes, y ont participé. « On a voulu créer un moment où les élus peuvent vraiment se rencontrer, échanger sur ce qui marche chez eux, découvrir des initiatives concrètes et repartir avec des outils qu’ils peuvent adapter à leur territoire, précise Matthieu Papouin, directeur adjoint de la DREAL. L’idée, c’est que personne ne reparte les mains vides : chacun doit trouver des idées, des contacts, de l’inspiration pour accélérer la transition écologique là où il est ».
Au cours de la journée, diverses thématiques ont été abordées : gestion des ressources énergétiques, mobilité durable, préservation de la biodiversité, adaptation au changement climatique. C’est dans ce cadre que Belleville-en-Beaujolais, une commune de 14 000 habitants, a ouvert ses portes pour présenter les projets de transition écologique qu’elle a mis en œuvre.
BôWatts : reprendre le pouvoir sur l'énergie locale
Parmi les projets présentés : BôWatts, une société de distribution d’électricité verte dédiée aux habitants de la Communauté de Communes Saône-Beaujolais. Cette offre permet de consommer une énergie locale issue de sources renouvelables, à un tarif inférieur au tarif réglementé. « Nous, ce qu’on cherche à faire, c’est diminuer la facture de nos clients et aussi de les aider à moins consommer », ajoute Pierre Serre, directeur général des services et du développement durable de Belleville-en-Beaujolais.
Au-delà de l’aspect économique, BôWatts mise sur la pédagogie. La plateforme propose des outils pour mieux comprendre et maîtriser sa consommation. Des ateliers sont organisés régulièrement : diagnostic de consommation, conseils sur les écogestes, installation de compteurs intelligents. L’objectif : rendre les habitants plus autonomes et impliqués.
Mais tout cela a un coût. Le modèle économique repose sur un partenariat avec le fournisseur d’électricité Alpiq, qui reverse une commission à chaque nouvel abonnement. À terme, l’ambition est d’étendre cette offre à d’autres communes du territoire.
La méthanisation : transformer les déchets en ressources énergétiques
Autre projet mis en avant : l’unité de méthanisation territoriale à Charentay. Portée par la SEMOP (Société d’Économie Mixte à Opération Unique) Bio Énergies Beaujolaises, cette installation, pionnière à l’échelle nationale, transforme les déchets organiques en biométhane injecté dans le réseau de gaz. Mise en service en mars 2025, elle alimente environ 3 500 foyers.
Le processus de méthanisation repose sur la fermentation, en l’absence d’oxygène, de matières organiques comme les boues d’épuration, déchets agricoles ou résidus de distillerie. Le biogaz ainsi produit est épuré pour devenir du biométhane, puis injecté dans le réseau de GRDF (Gaz Réseau Distribution France). « Quand on produit du biométhane, on va aussi produire du CO2, c’est inévitable. Du coup, on essaye encore de trouver un moyen de le transformer. Pour l’instant, on envisage de l’utiliser pour sécher des planches sur le site et créer un revenu supplémentaire », dit Francois Dusannier, président du groupe Agriopale, spécialisé dans le recyclage et la valorisation des déchets organiques.

Depuis mars 2025, l’usine de méthanisation produit du biogaz. ©En un battement d'aile
Les digestats, résidus solides de la méthanisation, sont utilisés comme fertilisants sur les terres agricoles environnantes, évitant le recours aux engrais chimiques. L’installation, qui a mobilisé plus de 11 millions d’euros d’investissement, repose sur une gouvernance partagée entre collectivités et acteurs privés, avec un objectif de transparence et de pérennité.
Le projet a d’abord rencontré de l’opposition en raison des odeurs souvent associées aux unités de méthanisation mal entretenues. Pour convaincre, Frédéric Pronchéry, le maire de Belleville-en-Beaujolais, a misé sur l’échange : « Ceux qui n’étaient pas contents, je les faisais monter dans un bus avec nous pour aller visiter les unités de méthanisation aux alentours. Au retour, ils avaient compris l’importance d’une telle unité pour la commune et ils nous ont laissé la construire. »
Quand la nature reprend sa place en ville
La commune a engagé un vaste chantier de rénovation de ses trois écoles, pour un montant de 12 millions d’euros, financé en partie par le département du Rhône et l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. Les cours d’école ont été végétalisées : plantations d’arbres, création de mares et salles de classe en extérieur. Des partenariats ont été noués avec l’association Arthropologia et la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) pour installer nichoirs et zones humides. « D’ici quelques années, on va voir les oiseaux revenir et les plantes pousser. Ce sera mieux pour les enfants qu’une grande cour de récréation en béton », précise Anne-Sophie Wert, directrice adjointe du Pôle Aménagement et Développement Durables.

Plusieurs arbres ont été plantés autour de cette salle de classe en extérieur. Quand ils auront poussé, la salle sera au milieu d’une forêt miniature. ©En un battement d'aile
Sur le volet voirie, Belleville-en-Beaujolais collabore avec Eiffage Route pour tester le concept ÉcOasis. Ce procédé repose sur des enrobés végétalisés et bas carbone, capables d’absorber les eaux pluviales et de rafraîchir l’espace urbain. Une seule rue est pour l’instant concernée. Coût du projet : 585 000 euros, financés à 79 % par la Dotation de soutien à l'investissement local, le Pacte Rhône et l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. Les travaux devraient démarrer d’ici la fin de l’année pour étendre le dispositif à l’ensemble du réseau routier.
Repenser les lieux de vie pour mieux vivre la transition
Le Centre social de Belleville-en-Beaujolais a ainsi été rénové dans une démarche écologique. Pour approvisionner le chantier en bois local, la municipalité a acheté huit hectares de forêt dans le Beaujolais, en misant sur une gestion durable : coupe progressive, régénération naturelle. L’objectif est de maîtriser une filière bois locale pour alimenter les futurs projets immobiliers. La ville veut s'inspirer du Département du Rhône, propriétaire de 1 800 hectares de forêts et qui utilise son propre bois pour construire ses bâtiments.
Le bâtiment est équipé de panneaux photovoltaïques et d’un système de régulation thermique intelligent qui permet de limiter les consommations énergétiques en hiver. Coût des travaux : 3,4 millions d’euros. Il accueille un large éventail d’activités : enfants, familles, personnes âgées, citoyens engagés dans le jardinage ou le compostage. Des ateliers participatifs y sont régulièrement animés par des bénévoles et associations partenaires.
Des travaux plus compliqués dans les petites communes
Si les projets portés à Belleville-en-Beaujolais sont « porteurs d’espoir » selon Matthieu Papouin, directeur adjoint de la DREAL, ils mettent aussi en lumière les difficultés rencontrées par les petites communes. Le financement de tels projets suppose des investissements conséquents, hors de portée de certaines collectivités, même avec l’aide de subventions. « Il est bien gentil de nous parler de ses projets à plusieurs millions d’euros, mais pour nous, c’est presque impossible de financer ne serait-ce qu’un projet de quelques milliers d’euros », souligne une élue d’une petite commune de 100 habitants.
Au-delà des finances, la technicité de ces chantiers requiert des compétences que toutes les communes ne possèdent pas. Suivi des travaux, rédaction des appels d’offres, maintenance : les petites équipes municipales peinent à répondre à toutes les exigences. Cette inégalité pose aussi la question de l’équité territoriale face à la transition écologique.