17 mars 2025

Comprendre l'écoféminisme

Par

Aude Ristat et Florence Gault

Société

6 mins

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Né dans les années 70, l’écoféminisme est plus fortement présent dans le débat public depuis quelques années. Mais que recouvre exactement ce terme ? Quels sont les enjeux de cette approche qui mêle écologie et féminisme dans la manière de vivre et de transformer le monde ? Réponses à l’occasion de l’EcoFemina festival, “un événement pour découvrir, penser, s'engager autour de l'écoféminisme et de l'intersectionnalité des luttes” qui se tient chaque année à Lyon.

L'Ecofemina festival à Lyon ©Alexia Leduc

« Pour moi l'écoféminisme, c'est se rendre compte que les luttes écologistes et féministes sont liées et vouloir un futur écologique et féministe. Un futur souhaitable », explique cette participante au festival EcoFemina en ce dimanche 17 novembre 2024 à Lyon. Dans sa main, une affiche publicitaire récupérée en ville et bientôt customisée pour diffuser le message de la lutte. Cette lutte écoféministe, elle n’est pas toujours facile à décrire, située « à l’intersection de l’écologie décoloniale, du féminisme décolonial, du combat contre le racisme, la discrimination, le validisme ou encore la pauvreté ». Elle n’est pas toujours comprise non plus. Ses détracteurs la considèrent comme un mouvement marginal ou caricatural, voire essentialiste, associant les femmes à une supposée "connexion naturelle" avec la nature. D’autres estiment qu’il s’agit d’une utopie trop radicale ou idéalisée, éloignée des réalités concrètes.

L’écoféminisme pour lutter contre les systèmes de domination

Pour y voir plus clair, un peu d'histoire. L'écoféminisme est un terme issu de la contraction des mots écologie et féminisme. Il a été introduit en 1972 par Françoise d’Eaubonne, philosophe, romancière, essayiste, pour qui aucune révolution écologique n'est possible sans révolution féministe. En cause ? La double domination masculine sur les femmes et sur la nature. L’écoféminisme, c’est ainsi considérer que les mécanismes de domination qui conduisent à la destruction de la nature sont les mêmes que ceux qui permettent l'oppression des femmes. Une idée que reprend en 2019, Jeanne Burgart-Goutal, professeure de philosophie, en publiant Être écoféministe : théories et pratiques (L'Échappée, 2020), un essai rédigé après sept ans de recherches, qui retrace l'histoire et la diversité de ce courant qu'elle définit comme profondément politique et multiple. 

Les multiples visages de l’écoféminisme comme autant de leviers d’action

Cette multiplicité de l’écoféminisme se découvre lors du festival EcoFemina. Eloïse Bouilloud, la cofondatrice de ce festival, s'est passionnée en 2019 pour le cycle menstruel au point de créer Moonlikate qui accompagne les entreprises vers le bien-être menstruel au travail. De quelle manière s’est-elle engagée dans l’écoféminisme ? « Vers 20 ans, je pense, il y a eu un Noël où dans ma famille on avait offert au garçon un jeu de super-héros et à la fille un kit de ménagère avec les balayettes. Cela m’avait déjà fait réagir. » Mais la “claque” qui va secouer Eloïse Bouilloud viendra un peu plus tard quand elle travaillera dans le centre social d’un quartier où elle voit les habitants muselés dans leur expression et peu considérés.

Sa prise de conscience la pousse également à effectuer d’autres changements comme celui de devenir végétarienne. « J'ai reçu de nombreuses critiques familiales sur mes engagements », raconte-t-elle. Ce qui n’empêchera pas Eloïse de se lancer en 2021 dans la création du festival EcoFémima avec Déborah Glohr. Leur constat :  la majorité des événements auxquels elles participent ont soit une approche écologique, soit une approche féministe. Elles ont donc voulu créer un festival mêlant les deux, avec pour ambition de montrer comment l'écoféminisme peut se vivre au quotidien. 

Les femmes représentent 60% de la population mondiale vivant sous le seuil de pauvreté

Au programme du festival, des ateliers, des stands, des conférences et des sujets variés qui témoignent toujours de cette multiplicité de l’écoféminisme. Parmi eux, l’agriculture et la souveraineté alimentaire. Un sujet sur lequel interviennent Gautier Chapuis, adjoint la ville de Lyon en charge notamment de l'alimentation, Damien Lohier de l'association Vrac France, qui défend l'accès à une alimentation durable et de qualité pour toutes et tous, et Olivia de Roubin, fondatrice de la ferme écoféministe Terre de Milpa, installée à Saint-Didier au Mont-d'Or dans le Rhône. Tous trois reviennent sur la définition de souveraineté alimentaire dans un contexte où 70% de l'alimentation mondiale provient des petites exploitations, souvent gérées par des femmes et menacées par le dérèglement climatique.

Selon Oxfam France, les femmes représentent 60% de la population mondiale vivant sous le seuil de pauvreté. Cette surreprésentation s'explique par plusieurs facteurs. Les femmes possèdent, gagnent et épargnent moins que les hommes. Elles sont concentrées dans les emplois et secteurs moins valorisés socialement et financièrement et assurent plus des trois quarts du travail domestique non rémunéré. 

“On essaie à notre modeste échelle de penser le travail au féminin”

La Terre de Milpa, ferme du XVIIIe siècle, agroécologique installée à Saint-Didier-aux-Monts-d'Or à quelques kilomètres de Lyon est une réponse à ces enjeux. L'objectif de ce projet est de favoriser l'insertion socio-professionnelle en développant des activités de maraîchage et de vente par l’intermédiaire d’une AMAP, d'arboriculture et de boulangerie artisanale, le tout dans une démarche écoféministe. Olivia de Roubin, co-fondatrice de la ferme explique : « On essaye à notre modeste échelle de penser le travail au féminin, de penser le travail en dehors d'un système d'oppression, et plus en termes d'encapacité de l'être humain. On cultive des parcelles, avons fait un forage, créé une citerne, des serres et une petite pépinière. Nous avons commencé à planter des arbres fruitiers ici, on va continuer cet hiver. »

Un groupe de bénévoles s’est engagé dans le cadre d’un chantier participatif qui a permis de faire naître ce projet d’insertion (les personnes accompagnées bénéficient de contrats de 26 heures par semaine et d’un suivi personnalisé) écoféministe dans cette ferme, anciennement propriété de deux frères. Après deux ans d’exploitation, « nous avons réussi à créer un petit microcosme qui se développe tant bien que mal, témoigne Olivia de Roubin. Ce qui est compliqué, c'est de monter une association. Les ateliers chantiers d'insertion sont moins soutenus qu'avant, notamment par les collectivités locales. »

Depuis sa création, Terre de Milpa a accueilli 21 participants, en majorité des femmes. Il est cependant encore trop tôt pour évaluer les retombées en termes d'accès à l'emploi. En revanche, les bénéfices sur la biodiversité sont là puisque le projet bénéficie aussi à la biodiversité environnante, aux oiseaux, aux grenouilles, aux libellules. Un diagnostic mené par la Ligue de protection des oiseaux (LPO) a aussi montré que le lieu avait la particularité d’accueillir une belle quantité de nids d’hirondelles. En agissant sur des fronts multiples l’écoféminisme multiplie aussi ses chances de réussite.

Pour en savoir plus, écoutez notre épisode de podcast consacré à l'écoféminisme :

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