8 mars 2025
Comment savoir si un événement météo est causé par le réchauffement climatique ?
Par
Aude Ristat et Florence Gault
Inondations, canicules, sécheresses… De quelle manière les scientifiques peuvent-ils ou non affirmer qu’un événement météorologique est directement lié au réchauffement climatique ? Si la réponse n’est pas simple, elle s’appuie sur des éléments d’analyse qui ont évolué au fil des années. Parmi eux, statistiques, probabilités et science de l’attribution.
©Pixabay
« On ne peut généralement pas directement attribuer un événement individuel au réchauffement climatique. Ce qu’il est possible de lui attribuer en revanche, c’est la répétition et l’évolution de ce type d’événement. » Ces mots sont ceux de Jean Jouzel, climatologue, ancien vice-président du groupe de travail sur les bases physiques du changement climatique du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).
Pour illustrer son propos, le scientifique prend l’exemple de la vague de chaleur. Un seul phénomène de ce type ne permet pas de conclure au rôle joué par le réchauffement climatique dans son apparition. Il faut en observer plusieurs, dans un périmètre constant, en analysant l’évolution de la fréquence, de l’intensité, des dates d’apparition. Quelques événements individuels font toutefois exception à la règle : l’évolution de la température de la planète et de celle des mers.
Statistiques et probabilités au service de l’analyse climatique
Depuis 2014, l'organisation internationale World Weather Attribution (WWA)*, fondée par des scientifiques, se mobilise pour étudier et rendre visibles les effets du dérèglement climatique sur les événements météorologiques. Après un événement climatique extrême, WWA publie les résultats de ses études. Par exemple, en juillet 2021, elle révèle que le réchauffement climatique a rendu la vague de chaleur dans le nord-ouest du Pacifique des États-Unis et du Canada au moins 150 fois plus probable et 2 °C plus intense. WWA s’appuie sur ce que l’on appelle la science de l’attribution, déjà présente dans les premiers rapports du GIEC.
La science de l’attribution : comprendre les causes du réchauffement climatique
Selon le glossaire du rapport du GIEC de 2007, « l’attribution consiste à établir, avec un certain degré de confiance, les causes les plus probables du changement détecté ». Il s’agit de trouver des facteurs causaux de manière fiable, c'est-à-dire en s’appuyant sur le type, la quantité, la qualité et la cohérence d'éléments de preuve. Le Centre National de Recherches Météorologiques explique l’approche mise en oeuvre pour attribuer le changement X à la cause Y :
- le changement X est détecté,
- le changement X ne peut être expliqué seulement par les causes, physiquement plausibles, autres que Y,
- le changement X est cohérent avec la réponse attendue du système climatique aux causes envisagées, parmi lesquelles Y.
Le Centre national de recherches météorologiques (CNRM) de Météo-France et du CNRS, ainsi que l’Institut universitaire de recherche Pierre-Simon Laplace, jouent un rôle crucial dans cette démarche. Ils utilisent des méthodes statistiques pour comprendre le rôle du réchauffement climatique et des activités humaines dans les événements météorologiques extrêmes. Le 6ème rapport du GIEC de 2021 met en avant les causes physiques du réchauffement climatique, soulignant l'importance de cette science pour établir des responsabilités et potentiellement conduire à de nouveaux procès liés aux effets dévastateurs du réchauffement climatique.
*WWA est financé par l'Institut Grantham, la Fondation européenne pour le climat et la Fondation Bezos pour la Terre.